Carnet de route

Formation : Neige avalanche 2 et spécialisé raquettes dans les Pyrénées

Le 26/01/2024 par MB

Stage de formation « Neige – avalanche 2nd niveau »  et « Spécialisé raquettes » dans les Pyrénées en cette fin janvier, c’est la suite logique du stage que j’avais effectué l’an dernier dans le Beaufortain « Neige – avalanche 1e niveau »  et « Initié raquettes »,

Mercredi 24 : c’est le départ pour les Pyrénées ! Vu de Normandie ce n’est pas la porte à côté, alors c’est parti ! Train pour Bréauté Beuzeville pour récupérer le « Le Havre – Paris », métro, train de nuit Paris -Toulouse, train Toulouse – Lourdes puis bus jusqu’à Luz-Saint-Sauveur (avec toutefois un changement à Pierrefitte-Nestalas). Bref 7 moyens de transport successifs et je ne suis pas arrivée au lieu de stage ! Je me sens un peu déphasée lorsque je débarque sur la place principale de Luz-Saint-Sauveur qui n’est certes qu’à 800m d’altitude : le soleil brille, il fait 25°… et j’ai trop chaud ! Mais je ne peux aller plus loin pour aujourd’hui, la navette Luz-Gavarnie ne fonctionne qu’en période estivale. Demain matin des participants au stage me prendront en passant pour aller jusqu’aux Granges de Holle, un chalet-refuge CAF proche de Gavarnie, lieu de notre formation… En attendant, j’ai trouvé un hébergement sympa pour la nuit : l’auberge de jeunesse – gîte- restaurant des Cascades : l’accueil de Ricou sera chaleureux et le repas excellent…

Vendredi 7h45 : Didier (formateur) et Nathalie (stagiaire) me récupèrent en passant pour monter aux Granges de Holle. Arrivés au refuge, nous sommes accueillis par les stagiaires déjà arrivés la veille et bien sûr, Philippe le gardien du refuge. Bien qu’à presque 1500 m d’altitude, le refuge est dans la « verdure » : point de neige ici et la température est bien douce pour une fin janvier. Bernard, un cafiste nantais, me montrer la chambre. Didier devant arriver tôt pour la réunion des formateurs, j’ai largement le temps de m’installer et même de prendre un café avant l’heure du regroupement.

9h30 : Tout le monde est là, les 12 stagiaires (les 2 Bernard de Nantes, Françoise de Lyon, Nathalie des Hautes-Pyrénées, Didier, Michaël, Valérie d’Ariège, Jean-Claude de Pau, Annie, Arnaud, Victor de Haute-Garonne, et moi-même) et nos 4 formateurs (Thierry, Didier, Gilles et Vivien). C’est d’abord le temps des présentations par binôme – chacun présentant l’autre. Nous sommes répartis en 3 groupes – je fais partie du groupe 3 avec Arnaud, Valérie et Victor. Les activités extérieures et leur préparation se feront par groupe – mais les formateurs tourneront sur les groupes. Avant de sortir, place à quelques rappels et compléments théoriques. En particulier nous (re)voyons la méthode de réduction des risques Duclos avec ses modes de vigilance « tranquille », « méfiant », « alerté », « hasardeux » et ses 6 paramètres à surveiller (l’indice de risque du BERA Bulletin d’Estimation des Risques d’Avalanche, la pente, l’observation d’avalanches récentes, la hausse de la température, une surcharge possible, une sous-couche fragile enfouie. C’est aussi l’occasion de faire référence à ce que nous avons pu préparer en amont du stage tant côté neige- avalanche que préparation d’une rando hivernale.

Vers 11h nous partons pour la station des Espécières qui sera notre terrain de jeux pour le stage. Station de ski avec des pistes entre 1820m et 2320m, elle est fermée… faute de neige ! Nous en trouverons suffisamment pour faire nos exercices durant les 3 jours de stage mais pas assez pour pouvoir observer les différentes sous-couches du manteau neigeux… Aujourd’hui c’est Vivien qui encadre le groupe 3. Après le check DVA (Détecteur de Victime d’Avalanche) , nous cheminons, raquettes aux pieds tout de même, jusque vers l’altitude 2050 où nous retrouvons Thierry. « Une heure de retard » nous dit ce dernier. Pourtant nous n’avons pas traîné ! Consigne : nous devons enterrer d’une part deux planches qui devront être retrouvées en sondant par les participants – pour revoir la méthode du sondage en « escargot » à partir du point présumé d’enfouissement de la victime ; d’autre part deux DVA en mode « émission » protégés au-dessus par une planchette, que les stagiaires devront localiser avec leur DVA en mode « recherche ». Pendant ce temps Thierry enterre dans deux champs de neige deux DVA en mode « émission » protégés par une planchette : ce sont deux victimes d’avalanche. Chaque stagiaire devra retrouver l’une des victimes en moins de 7 minutes (temps de localisation au DVA + temps de recherche plus précise à la sonde). C’est court mais il faut savoir qu’après 15 minutes, la victime d’avalanche perd conscience (asphyxie) et la probabilité de la retrouver vivante chute de 90% à moins de 30% entre 15 et 40mn. Or les secours mettent en général plus de 40 mn à arriver sur les lieux. La recherche et le dégagement de la victime doivent être le plus rapide possible – sachant que le stress s’invite souvent faisant perdre en efficacité. Donc ce sont les compagnons de la victime et/ou les témoins qui ont le plus de chance de la dégager vivante. Et une fois localisée, il ne faut pas oublier le pelletage long et pénible en particulier si la victime est enfouie sous la neige. D’où l’importance de s’entraîner à localiser rapidement les victimes à l’aide du DVA et de la sonde, ces entraînements permettant une automatisation des gestes et une meilleure efficacité... Un certain nombre d’accidents auraient pu se terminer moins tragiquement si les compagnons et témoins avaient eu et/ou pu se servir efficacement des DVA et sondes… Chacun des stagiaires s’essaie aux différents exercices, l’exercice final de la recherche chronométrée étant de loin le plus stressant…Cette année, je suis un peu plus efficace que l’an passé et je réussis à trouver les 2 DVA avant la fin du temps imparti. Tout le monde a fait les exercices ? Super ! Après avoir récupéré le matériel nous voici de retour au parking. Direction le refuge ! La journée est finie ? Que non ! Rendez-vous dans une heure dans la salle de réunion…

Voici le moment de faire un debriefing des exercices et de poursuivre les apports théoriques. Et nous continuerons après le repas du soir  - le programme est chargé! Les paupières sont un peu lourdes en cette fin de soirée – certains se sont levés bien tôt ce matin pour rejoindre Gavarnie – et il est autour de 22h quand chacun peut aller se reposer. Bref une journée bien fatigante mais aussi très enrichissante !

Samedi… Le petit déjeuner est prévu à 7h30 – ce qui laisse du temps pour se préparer avant le rendez-vous à 8h30 sur le parking devant le refuge. 8h25, je suis sur le parking. Les Nantais partent et proposent de m’emmener. Je décline la proposition : les autres de mon groupe vont m’attendre et ne sauront pas que je suis partie… D’ailleurs voici Arnaud qui me rejoint. Mais nous réalisons bientôt que nous sommes les deux derniers et que les autres sont tous déjà partis ! Or nous n’avons pas de véhicule ! Un coup de téléphone à un participant et Jean-Claude, bien gentiment revient nous chercher. Nous n’avons pas encore commencé que nous sommes déjà en retard ! ça s’impatiente en effet sur le parking et encore plus sans doute du côté des formateurs partis en éclaireurs organiser des ateliers. Pour commencer, atelier cramponnage sous la conduite de Bernard. Je chausse mes beaux crampons tout neufs ! Et c’est parti pour de petits exercices dans cette neige glacée du matin. Puis nous déchaussons les crampons au profit des raquettes. Plusieurs ateliers « sécurité » sont proposés : descente « à la genevoise » (descente sur corde face à la pente alors que quelqu’un en haut fait office de corps-mort et tient la corde), traversée sur main courante, comment faire un corps-mort avec la pelle… L’encadrant raquettes doit en effet prévoir le passage de certaines difficultés et se munir d’une corde de rando, de quelques mousquetons et quelques sangles pour sécuriser au besoin certains passages. On retrouve là finalement des techniques analogues à celles de la rando montagne estivale.

Allez, on ne traîne pas ! Vu le retard accumulé, il est grand temps de remonter à l’endroit où nous étions hier. Notre groupe, aujourd’hui accompagné par Didier, est chargé de préparer le terrain pour simuler une avalanche ayant fait trois victimes que les autres devront retrouver et déterrer…Trois DVA vont être enfouis sous la neige aussi profondément que possible et Arnaud figurera le rescapé : paniqué, il a vu ses trois compagnons partir sous l’avalanche, et il appelle au secours un groupe qui passe par là. Nous autres jouerons le rôle de témoins, chargés d’observer la scène, le déroulement des opérations de sauvetage. La « scène » est prête, c’est parti ! Arnaud joue à merveille le rôle de « survivant » paniqué et hagard qui gêne plus les « sauveteurs » qu’il ne les aide…

Après l’exercice nous prenons le temps de pique-niquer avant de faire le debriefing de cette « opération sauvetage »… Nos collègues se sont bien débrouillés, il est en effet plus facile d’être témoin ! Dommage que le temps manque pour faire l’opération en sens inverse, que de témoins nous passions à acteurs, que nous soyons en situation en effet à notre tour… Allez, c’est heure de rentrer, du travail nous attend en salle !

Salle de réunion : Par groupe, aidé de notre accompagnateur du lendemain – pour nous ce sera Gilles, nous préparons la rando du lendemain suivant le protocole CSV(*) qui nous a été présenté précédemment. Sur une feuille au format affiche, nous indiquons dans différents cadres sur le pourtour de la feuille un certain nombre de données : les conditions météo, les indications du BERA (Bulletin d’Estimation des Risques d’Avalanche), l’état psychique et physique, les attentes de chacun… Nous réfléchissons à l’itinéraire que nous indiquons schématiquement au centre de la feuille en précisant de plus les points d’attention particulière, les difficultés, les endroits où il faudra redoubler de vigilance, ceux où il faudra peut-être prévoir un autre plan, mais aussi d’éventuelles options supplémentaires et des plans B… Chacun s’active, nous discutons, complétons, ajustons… Voici l’heure du repas… Tout n’est pas terminé ! Qu’à cela ne tienne, nous finissons en début de soirée – ça y est, tout est fait, y compris les mesures de kilométrage et de dénivelé, les prévisions en temps et la trace GPX.

Dimanche : Aujourd’hui le petit déjeuner est à 7h, le sac pour la journée doit être fin prêt et les chambres libérées. A 8h, nous partons car le départ de la rando est prévu à 8h30 du parking mais un retour au plus tard à 14h… S’il fait frais sur le parking, il ne fait pas froid et le temps est doux. C’est pourquoi après le check DVA nous décidons d’amorcer la rando par une montée dans le pentu herbeux – en tirant des bords pour ne pas monter droit dans la pente qui ici pourrait être supérieure à 30° et pour éviter les langues de neige glacée. La progression est aisée et nous arrivons bientôt à l’ancienne piste de ski que nous allons remonter. Nous pouvons maintenant chausser les raquettes. Arrivés au point 2150 – avant le télésiège – nous décidons de poursuivre avec les raquettes mais avec une attention particulière : la pente avoisine les 30°, la neige est glacée et faut bien enfoncer les dents avant des raquettes et les pointes des bâtons pour ne pas risquer la glissade ! Nous voici bientôt au poteau final du télésiège pour une pause bien mérité…  Les 3 groupes se succèdent à cet endroit -nous sommes les derniers - mais le cheminement préalable a pu être différent ainsi que les moyens employés – les autres ont privilégié l’utilisation des crampons à un moment ou un autre. De notre côté, les crampons resteront dans le sac. Nous repartons, nous voici sur la crête et nous pouvons contempler le paysage : Sarradets, brèche de Roland, Taillon, Marboré, Pimené… Nous renonçons à l’option « Pic de la Pahule » et poursuivons sur la crête jusqu’au Pic des Tentes où une table d’orientation nous attend. En raison du vent, nous abandonnons aussi l’idée de pique-niquer ici ! Un peu avant le col des Tentes nous redescendons et trouvons un sympathique coin herbeux un peu abrité du vent pour la pause repas. Avant de repartir, Gilles, Victor et Valérie font une petite démo : comment faire un corps-mort avec un piolet ou un bâton de rando…

Puis nous amorçons la descente vers le parking. Le groupe 3 manifeste sa singularité en ne passant pas aux mêmes endroits que les autres ! A 13h30 nous sommes tous au parking : pour une fois, nous sommes en avance ! Mais pas de temps à perdre car l’heure de notre ultime réunion est avancée à 14h. C’est le moment de revenir sur la rando et les choix faits par les différents groupes. Puis des outils permettant de réduire les risques nous sont présentés : Yéti (Camp to camp) qui fonctionne tant dans les Alpes que les Pyrénées, et Skitouenguru (développé en Suisse) pour les Alpes.

Voici le moment de faire le bilan du stage. Nos formateurs nous laissent le temps de nous concerter pour décliner tant les points positifs que les points négatifs de ces 3 jours de formation… Un bilan largement positif eu égard à la qualité de la formation et à ses contenus très riches – et même si le temps passé en amont pour les préparations a été limité en particulier pour ceux qui cumulent occupation professionnelle et famille, tous les participants louent la qualité et la richesse des documents qui nous ont été envoyés avant le stage. Au chapitre des regrets : un manque de coordination de nos formateurs en particulier le 1e jour, notre propre manque d’autodiscipline, le fait qu’une partie du groupe n’ai pas pu tester l’ « opération sauvetage », le manque de temps pour prendre du recul, pour revenir sur les exercices qu’il nous avait été demandé de faire en amont, le manque de neige qui nous a empêché de faire des tests de coupe de manteau neigeux…

Bref tous les participants repartent satisfaits de leur temps de formation et prêts à mettre en application un certain nombre de nouveaux apports et à poursuivre leur formation et leur réflexion, décidés aussi à transmettre leurs connaissances et leur expérience à d’autres moins aguerris…

Merci Thierry, Didier, Gilles et Vivien pour cet accompagnement sans relâche !

Merci à tous les participants pour leur dynamisme et leur bonne humeur !

Merci à Philippe le gardien du refuge pour son accueil !

PS: davantage de photos ici

 

(*) C’est quoi une CSV ?

« La Cartographie Systémique des Vigilance est un outil de gestion du risque, pour les activités de montagne et de pleine nature, elle est centrée sur les participants, les interactions et les fonctionnements groupales. Elle s’inscrit dans une démarche participative visant à favoriser une implication réelle des participants dans la préparation, la conduite et l’analyse de la sortie.

Elle est matérialisée par un document concret comprenant un schéma de l’itinéraire et des annotations, qui aura été réalisé avec tous les participants. C’est aussi, pour les formateurs, un outil de structuration du contenu et pour le groupe, un outil de compréhension, de réflexion sur l’activité. 

Cette importance du groupe, des participants (leader compris) est aussi la première étape concrète d’une CSV, avec la définition du projet commun, une mise à plat des attentes et des compétences de chacun et le choix d’un objectif précis. Forcément, cette phase nécessite de se retrouver tous ensemble pour préparer la sortie envisagée. La taille du groupe, comme en ski de randonnée, ne devrait pas dépasser 6 à 8 personnes, pour pouvoir tous se retrouver autour d’une table et d’une feuille blanche à compléter.

Une CSV se prépare, se construit à l’avance par le leader pour compiler les informations sur l’itinéraire et pour pouvoir les partager, elle nécessite du temps et un certain apprentissage pour que chacun comprenne bien les modes de représentation utilisés. 

La CSV est aussi un outil permettant de diminuer le stress chez certaines personnes et contribue ainsi à un déroulement apaisé de la randonnée. »







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