Carnet de route
Stage "initiateur raquettes" dans le Champsaur
Le 10/03/2024 par MB
Vendredi matin ! Réveil dans le train : le soleil se lève et les montagnes revêtent une magnifique couleur jaune orangée… Arrêt à Gap, à peine le temps de boire un café avant la navette qui me dépose à Saint-Léger-les-Mélèzes. « Le gîte Les Prés Jaunes, c’est là ! » me montre le chauffeur de bus. Je vais pouvoir déposer mes affaires au gîte avant d’aller découvrir le village et son environnement. Bien vite le soleil disparaît et laisse place aux nuages et à la pluie. Les pistes de ski, langues blanches au milieu de la verdure, sont bien tristounettes.
Retour au gîte dans l’après-midi. Le stage de recyclage précédant notre stage se termine. Voici Philippe, Michele et Benoît nos formateurs. Benoît est AMM – pour les stages de formation initiateur, un professionnel est en effet requis. Je fais également connaissance de Bénédicte et Benoît, deux de mes co-stagiaires déjà présents aujourd’hui pour valider « Faire sa trace en raquettes ». Les formateurs les ont chargés de préparer la rando du lendemain – le but en sera « La petite Autane d’Orcières en aller-retour ». Je me joins bien volontiers à eux.
Habituellement dans ces stages la rando est prévue le second jour, mais vu les prévisions météo – bonnes chutes de neige le samedi soir - et l’évolution probable du BERA (Bulletin d’Estimation des Risques d’Avalanches), il est préférable de la faire le samedi. Nous repérons d’abord sur la carte notre point de départ et notre but : aller et retour par le même itinéraire ? utilisation de l’itinéraire ski indiqué sur la carte ? utilisation des chemins existants - seront-ils visibles ?... Voilà déjà quelques questions… La carte des pentes est soigneusement étudiée : il s’agit de limiter les passages à plus de 30° mais aussi les pentes exposées… Le BERA, bien sûr est un élément-clé pour orienter nos choix. Le BERA du samedi est paru : risque marqué (3) qui va passer au risque fort (4) – sur une échelle de 1 à 5. Toutes les orientations de pente sont exposées. On peut remarquer cependant que la situation se dégrade au fil de la journée mais pourrait être critique sur les pentes raides dès le matin. Un vent de Sud-est va souffler… Cependant nous cheminerons sur les pentes au vent ce qui réduit les risques. Quant aux chutes de neige elles ne devraient pas se produire avant le milieu d’après-midi… Nous discutons, analysons les données, étudions la carte, tentons de réduire les risques et d’optimiser l’itinéraire… Nous remplissons aussi notre feuille CSV – Cartographie Systémique des Vigilances … L’idée est d’utiliser d’abord les pistes et chemins existants avant de tirer des bords dans la pente à découvert pour atteindre le point coté 2001. Il s’agira alors de longer la forêt pour rejoindre la crête… Là nous restons cependant sceptiques quant à la suite : vu la largeur de la crête, le vent, la neige fraiche et ventée, il nous semble peu probable que nous puissions aller plus loin. Le sommet de la « Petite Autane d’Orcières » semble inaccessible…
D’autres stagiaires sont arrivés et c’est l’heure du repas. Le stage ne démarre que demain. Rendez-vous est donné à 8h dans la salle de réunion pour finir la préparation de la rando…
8h : Bénédicte nous présente le BERA, son utilisation et ses conséquences sur la sortie du jour. Benoît, le formateur, complète l’analyse du BERA et nous donne quelques clés pour celle-ci. Notons en particulier que ce qui est proposé un jour donné découle de ce qui s’est passé la semaine précédente : d’où l’idée de démarrer l’analyse du bulletin par la fin (on y trouve différents graphiques et données sur les conditions des jours d’avant). Attention aussi aux altitudes à risque : la vigilance s’impose.
Les groupes sont constitués. Nous avons un petit quart d’heure pour finaliser la préparation de la rando. Je suis avec Didier, Fabrice et Richard et c’est Philippe qui nous accompagne. Direction Archinard en face d’Orcières. Vue l’orientation de la vallée, la neige est présente et nous pouvons chausser les raquettes dès l’entrée du hameau. Un check DVA et c’est parti ! Nous cheminons d’abord sur les pistes et sentiers existants. Après concertation nous poursuivons par la même voie plutôt que de se risquer tout droit dans le pentu sur un terrain incertain. De toutes manières, le chemin ça ne va pas durer, il faut bien aller hors-piste. La pente se raidit et nous louvoyons pour grimper. Je peine un peu, la gastro du début de semaine se fait encore sentir. Philippe a un problème avec une raquette. Une réparation de fortune va faire cependant l’affaire. Nous voici en lisière de forêt. Nous montons jusqu’à la première butte. Le vent se fait sentir… Certains tentent d’aller au-delà. Peine perdue… Nous redescendons tous en lisière de forêt, peu ou prou à l’abri du vent pour pique-niquer avant de commencer les ateliers : recherche de DVA chronométrée en individuel tandis que Benoît nous montre différentes techniques : construction d’un igloo sur base de sacs, faire un brancard de fortune avec 3 sacs à dos et différentes manœuvres de cordes. Il ne fait pas bien chaud et le blizzard nous refroidit. Je pars l’avant-dernière pour l’épreuve DVA et je suis quelque peu stressée – je n’aime guère ces épreuves chronométrées dont je comprends cependant l’importance. Les quinze premières minutes sont cruciales pour la recherche des victimes d’avalanche si on tient à les retrouver en vie. La recherche fine ne va pas de soi et j’ai du mal à prendre ancrage dans la pente : ce sera encore à travailler !... Il reste encore un exercice d’organisation des secours en groupe…
Allez, l’exercice est fini, c’est le moment de redescendre : le blizzard se fait sentir, le temps ne s’arrange pas. Nous entamons la descente sur la pente à 30° et nous regroupons plus bas à l’abri du vent. Là, Laurence propose une descente « directe ». De son côté Frédéric n’est pas très tenté. Finalement, Frédéric, Laurent, Philippe et moi reprenons la descente plus ou moins par l’itinéraire du matin tandis que les autres optent pour une descente directe qui pourra s’avérer « toboggan » à certains endroits – l’occasion de tester d’autres techniques…
Retour au gîte. Rendez-vous à 18h en salle de réunion ! Nous commençons par le debriefing de la sortie du jour avant de poursuivre les exposés pédagogiques que nous avons préparés à la maison. Bénédicte avait inauguré ce matin avec « Analyse du BERA et consignes pour la sortie du lendemain - Situations avalancheuses caractéristiques, description (lien avec BERA), conduite à tenir ». Céline enchaîne maintenant avec « Organisation des secours sur avalanche, message d'alerte » dans le droit fil du dernier exercice de l’après-midi. Attention, coordination, rigueur et rapidité sont nécessaires. C’est le moment de la pause - repas. Nous reprenons peu après avec la présentation de Benoît : « Physique de l'effort, nourriture, boisson, froid (protection et risques) ». L’exposé est riche et bien documenté. En première approche, rappelons qu’il faut penser à boire encore plus quand il fait froid car l’air froid est moins humide, mais aussi à manger régulièrement (apport en glucides). Attention au froid qui atteint d’abord les extrémités de notre corps, surtout la tête – notre corps dépensera beaucoup d’énergie pour préserver le cerveau et son fonctionnement au détriment du reste…
« Quelqu’un veut-il encore proposer un exposé ? » demande Philippe. Et bien j’y vais, ce sera une bonne chose de faite. Mon sujet est : « Préparation de course hivernale (outils à disposition) ». Je distingue 4 types d’outils dont je vais présenter quelques exemples : Quelques outils de l’information (côté conditions la météo, le BERA, et côté terrain la carte des pentes, Data-avalanches pour répertorier les avalanches survenues dans le coin), un exemple d’outil de communication pour la préparation, des outils d’aide à la décision (méthodes de réduction des risques pour débutants et élémentaire, YETI, la méthode de la vigilance encadrée) et quelques outils de gestion globale de l’activité (analyse 3x3 du risque, matrice 3x3 élargie, CSV Cartographie systémique des vigilances). Les discussions vont bon train sur l’opportunité de tel ou tel outil… Notons encore l’importance accrue accordée à la fois au facteur humain et à la communication dans l’utilisation des différents outils. Mais il se fait tard et nous reprendrons nos travaux demain matin.
Le dimanche est consacré aux travaux en salle : poursuite des exposés des stagiaires entrecoupés d’apports de nos formateurs. C’est Fabrice qui ouvre la marche avec la présentation de la « Méthode d'évaluation des risques (3 x3) » - la grille 3x3 développée par Munter qui croise conditions, terrain, groupe avec maison ou refuge, pendant l’approche, dans la pente. Michele en profite pour nous présenter le travail de Gérard Martin que l’on trouve sur le site du Club alpin d’Aix Marseille qui croise la présentation de cette grille avec les outils que l’on peut utiliser : un document bien intéressant pour les initiateurs ! C’est l’occasion d’aborder certains points dont nous n’avons pas encore parlé et d’élargir la réflexion. Nivologie, distance de sécurité, temps de progression, risques à la descente, maîtrise du matériel… pour n’en citer que quelques-uns. Philippe fait ensuite un point « matériel » en ce qui concerne raquettes et bâtons et la nécessité d’avoir de quoi faire des réparations de fortune.
C’est maintenant à Frédéric de nous parler de l’« Orientation par mauvais temps, stratégies de progression, notion de GPS ». Il part d’un cas concret où il co-encadrait une randonnée lors d’un jour « blanc »… Comment faire pour s’orienter lorsque la visibilité est nulle et que l’on ne peut même pas distinguer la pente sur le terrain ? Frédéric apporte différentes pistes. Benoît ajoutera l’idée de se servir d’un bâton comme d’un bâton d’aveugle… Richard prend la suite pour présenter « DVA, fonctionnement, les 3 phases de recherche, recherche multiple ». Après son exposé, chacun présentera le fonctionnement de son DVA, ses avantages et ses inconvénients. A Laurence de nous faire part de ses réflexions sur la spécificité du « PSC1 spécial montagne ». En tant qu’initiateurs rando montagne, un des prérequis pour accéder au stage initiateur raquettes, nous avons tous validé le PSC1 et avons tous notre attestation de premiers secours. Mais les premiers secours en milieu urbain sont bien différents des premiers secours en montagne, et qui plus est l’hiver avec la neige et le froid ! Avant le repas Benoît poursuit le rappel concernant les techniques de corde et les nœuds à connaître pour aider un participant à cheminer en sécurité lors d’un passage difficile.
Après le pique-nique du midi, les exposés se poursuivent avec celui de Serge : « Définition d'une sortie encadrée, responsabilité » - l’occasion de revenir sur la question des différentes responsabilités en jeu lors d’une sortie. Un domaine ardu à ne pas négliger : en cas d’accident les assurances, la justice… viendront fouiller… C’est au tour de Laurent avec un sujet à l’abord moins administratif : « Comment développer une culture du plaisir dans un milieu à risque ? ». Il part des motivations des participants qui peuvent être différentes mais, dans tous les cas, la gestion du risque ne doit pas éviter le plaisir. Une bonne préparation s’impose… C’est maintenant au tour de Didier avec « Influence des facteurs humains dans les prises de décision ». Il se centre sur le risque d’avalanche et aborde les différents aspects du facteur humain (capacités physiques, facteurs psychiques, connaissances, groupe, organisation, facteur client, facteur socio-politique) vus plutôt d’un côté négatif. Michele ajoutera qu’il y a aussi du positif dans les facteurs humains.
Nos formateurs nous indiquent en suite quelques ressources avant que Philippe nous présente des documents quant aux « bonnes pratiques » à adopter en matière d’environnement, de respect des réglementations environnementales – il s’agit en particulier d’être attentif à la faune hivernale dont les conditions de vie sont difficiles, de favoriser les bons comportements pour limiter le dérangement. Philippe nous rappelles ensuite « les cinq obligations du participant dans une sortie collective (Prendre connaissance de la fiche infos – s’assurer que la difficulté de la sortie est compatible avec ses capacités – prendre le bon matériel et un équipement adapté – respecter les règles de sécurité et de la vie en groupe – avoir le souci de s’informer et de se former) ainsi que « les cinq obligations du club » (s’assurer que les cadres sont expérimentés – vérifier l’aptitude des participants - prévoir un encadrement en nombre suffisant – surveiller et conseiller les participants – réagir de façon adaptée en cas d’accident).
C’est presque le moment de conclure ! Voici venu le moment du debriefing du stage ! Deux jours très denses et très enrichissants qui constituent un point nodal dans notre parcours de formation. Deux jours c’est court… Finalement commencer par la partie pratique a constitué un avantage car les exposés ont pu s’appuyer sur cette rando du samedi.
Philippe nous présente le livret du stagiaire et les annexes que nous aurons à remplir en tant qu’ « initiateur raquettes stagiaire » : au programme, du co-encadrement, de l’encadrement, de la formation avant de demander la certification – un entretien en visio avec nos formateurs.
Chacun des stagiaires va maintenant bénéficier d’un entretien individuel avec l’ensemble des formateurs : l’occasion de faire le point sur notre parcours, identifier les points à travailler mais aussi les points forts en se basant en particulier sur la fiche d’auto-évaluation que nous avons remplie avant le stage.
Voilà, le stage est fini ! Un stage enrichissant et formateur dans une excellente ambiance ! Merci à nos trois formateurs Philippe, Michele et Benoit mais aussi à tous mes co-stagiaires… Je reprends le bus vers Gap la tête remplie d’idées et de projets !
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