Carnet de route

Rencontre avec Quentin - 2/5
Le 22/03/2020 par MB
2nd "épisode" de cette rencontre avec Quentin...
Au sommaire:
- Pôle Espoir
Pôle Espoir
L’entrée…
Après ses opérations Quentin a envie de « faire quelque chose ». Lors de la demi-journée de formation UFCA[1], Raymond Toupin, président du comité régional présente le « Pôle Espoir ». Quentin est intéressé et va le voir à la fin de la demi-journée : « je fais de la montagne depuis que je suis jeune, j’adore la montagne, je n’ai pas un gros niveau d’escalade, je suis à 6C - 7A - ce n’est pas un gros niveau par rapport à des grimpeurs de salle – mais bon je pense que c’est un niveau qui passe partout en montagne ». Le Pôle Espoir Alpinisme de Normandie regroupe ainsi 8 jeunes passionnés par la montagne pour une période de deux ans – ils sont encadrés par un guide de haute montagne mais aussi par des encadrants – souvent des « anciens » du Pôle Espoir. « Souvent ceux qui prétendent rentrer au pôle espoir alpinisme sont déjà un peu alpinistes dans leur tête, dans leur esprit ; ils vivent déjà un peu pour la montagne, ils ont pratiqué avec leurs parents, la majorité… (…) Et puis derrière, il y a des personnes qui découvrent. Et ces personnes, c’est leur révélation après, elles adorent partir en montagne. Il y a des grimpeurs au pôle : ils ont d’abord grimpé en salle, ensuite ils ont découvert l’extérieur, et puis la montagne ; et puis maintenant ils adorent et ils sont encadrants, ils partent avec nous pour nous encadrer ».
La sélection au Pôle Espoir : « 18 à 25 ans, avoir un bon niveau de grimpe, avoir fait un peu de montagne ou pas - mais le but c’est d’être déterminé. Si on montre la détermination, un minimum de niveau et la condition physique - j’insiste sur la condition physique, en général d’ailleurs et pas que sur le niveau de grimpe. »
La candidature au Pôle Espoir ? « Une feuille à remplir, un peu un carnet d’ascensions : les premiers glaciers, les traversées d’arêtes… Après, j’ai parlé de ce que j’ai fait en montagne. Avant ça ils te demandent ton niveau à vue en tête en salle, en extérieur. (…) Tu fais aussi une lettre de motivation, en quoi ça t’intéresse, pourquoi tu fais ça… » Quentin a pu faire passer ce qui est moteur pour lui : « que je n’étais pas le meilleur grimpeur qu’on aurait au pôle mais que je faisais ça pour moi pour me former ; pour me faire plaisir en allant en montagne mais après pour emmener des personnes, les former… Et eux ils cherchent aussi des personnes comme ça, former à aller faire découvrir… »
Quentin aurait été déçu de ne pas être sélectionné et il aurait posé sa candidature de nouveau deux ans plus tard ; mais il a été retenu : « on m’a fait confiance, j’essaie de faire le meilleur de moi-même, et de transmettre ce que j’ai vécu au niveau du pôle espoir, et de ce que je continuerai à vivre d’ailleurs au pôle espoir. »
Le fonctionnement…
Les huit jeunes sont regroupés pour deux ans – c’est en quelque sorte une « promotion » et elle fonctionne par regroupements prévus à l’avance sur une partie des vacances scolaires à raison de deux regroupements par an, pour une durée totale de 2 à 4 semaines par an pour pratiquer escalade, escalade sur glace, alpinisme. L’an passé, lors de sa première année au Pôle espoir, deux sorties ont eu lieu : cascade de glace en février à Pelvoux et alpinisme durant l’été dans la région de Chamonix (traversées glaciaires, traversées d’arêtes, grandes voies…) - « En fait la 1e année on apprend énormément de choses techniques et théoriques tout en pratiquant. » Ils apprennent aussi à préparer des sorties…
En cette seconde année, trois regroupements se profilent : grandes voies dans le Verdon en mai qui est un regroupement des pôles Espoir lors du week-end de l’Ascension et bien sûr une sortie alpinisme cet été. Une sortie également est prévue aux vacances de la Toussaint.
Peu de regroupements au final sur une année mais comme le souligne Quentin : « c’est intense ».
Les apports, la formation…
« Souvent les nouveaux[2] vont commencer avec le guide – moi j’ai souvent grimpé avec le guide la 1e année, voir les manips – (…) il nous apprend des trucs, on l’assure et donc il nous explique les manips, et à la fin de la semaine on est presque autonome - c’est-à-dire il faut être capable d’ingurgiter ce qu’on nous donne comme techniques de corde, comme techniques de progression, savoir analyser la glace parce que ça c’est des choses qu’on apprend. Préparer l’ascension, le guide nous apprend, et ensuite on met en pratique, et puis on part… Et après, on a des cordées, on n’a plus du tout le guide, enfin il nous regarde de loin. Et puis après on va pouvoir partir avec des personnes, tu pars en tête, ou bien tu pars devant sur l’arête. Et puis c’est toi qui sécurises. (…) Et puis voilà, de fil en aiguille on apprend comme ça, c’est vraiment une transmission de savoirs pour être ensuite en capacité d’emmener des novices en montagne – ou se faire plaisir et faire des sommets entre jeunes. Voilà maintenant, quand j’emmène des gens, j’ai la responsabilité de leur transmettre la sécurité en montagne. »
Quentin remarque que la notion de sécurité n’est pas la même en SAE – milieu aseptisé – en SNE – sites sportifs équipés – et en montagne. En montagne il y a peu voire pas d’équipements et il faut être prêt à improviser avec les moyens du bord – « savoir faire avec ce que l’on a » : il faut poser des coinceurs dans des fissures en grande voie quand nous n’avons pas de spit, utiliser par exemple des rochers pour faire serpenter la corde lors de traversée d’arêtes, poser une petite sangle pour sécuriser un passage… etc…Et il faut savoir non seulement équiper, anticiper la suite, mais aussi savoir faire tout rapidement : « on apprend à faire des manips rapidement, parce que en montagne, plus on gagne de temps dans les manips, là où on peut en gagner, mieux on se porte ! La météo peut changer rapidement, les conditions peuvent changer rapidement… » Par exemple le 1er de cordée va choisir de faire descendre son second en moulinette sur un court passage plutôt que d’installer un rappel : c’est un gain de temps (et ça ne veut pas dire que le second ne sait pas descendre en rappel). « Il faut apprendre à se débrouiller rapidement avec le peu de matériel qu’on a. On ne monte pas 1000 poulies, 15 coinceurs, 30 sangles – (…) on apprend à faire avec ce qu’on a – et moi c’est ce qui me plaît, c’est une formation ».
« (Au pôle) on apprend à juger quand il faut sécuriser et quand on a le droit de ne pas sécuriser, donc en fait, on apprend suivant les conditions… mais quand on fait un choix, par exemple moi, quand je suis encordé avec un jeune et pas le guide, il fait un choix, je le laisse faire son choix. Ce n’est pas forcément le choix que j’aurais fait, mais si ce choix-là lui paraît judicieux, il fait ce choix-là, je n’ai rien à dire à part s’il y a un danger imminent, je suis second, je ne suis pas le leader – pourtant j’ai la même connaissance car on est au pôle ensemble. » Et si Quentin est en tête c’est lui qui décide : « quand je travaille mes manips avec le pôle, j’ai dans la tête de savoir ce qui va se passer après, si j’ai bien sécurisé pour mon 2nd, ce qui va se passer quoi… »
Et ils apprennent aussi à préparer les sorties ; parfois ils se trompent, ils oublient des choses, il faut ressortir le topo : « enfin on se marre bien, on dédramatise beaucoup je pense que c’est important… Mais ça, l’aspect préparation de course, le pôle m’a beaucoup appris. »
Ils prennent aussi confiance au fil du temps. Ainsi entre le début du stage et la fin du stage, leur position évolue – Quentin donne l’exemple de la traversée d’arêtes avec 1000m de chaque côté, il avait une certaine appréhension au début en second – « Et à la fin du stage, c’est moi qui étais en tête sur l’arête, une arête où il y avait 800m de vide et je dédramatisais… Et j’emmenais du monde et je sécurisais, et c’était un plaisir, un bonheur, et c’est ça le but. »
Le but ce n’est pas d’atteindre un certain niveau c’est plutôt une certaine polyvalence, savoir se débrouiller en toutes conditions et se faire plaisir. Mais Quentin relève que cela demande un « entraînement assidu » pour être en très bonne condition physique : « il faut être prêt à encaisser des efforts de longue durée, de se gérer soi-même et après d’être capable de gérer les autres personnes… Et ça ce sont des choses que l’on apprend au pôle. »
« Je tiens à dire que je ne suis pas le meilleur au pôle espoir loin de là. Il y a énormément de grimpeurs qui ont un niveau bien supérieur à moi et c’est un plaisir d’apprendre d’eux. Je suis peut-être un des plus peureux également, il n’y a pas de honte à l’avouer mais je prends énormément de plaisir à faire ces sorties qui sont si enrichissantes. »
Les ouvertures…
Ce que le Pôle Espoir apporte à Quentin c’est déjà une formation : « J’aime me former et c’est pour ça que le pôle espoir est une bonne chose pour moi. Là j’ai énormément fait de choses au pôle dans les 2 sorties… » Et il peut maintenant emmener du monde, des gens capables de lui faire confiance même s’il est plus jeune qu’eux, qui vont lui laisser faire ses choix : « j’emmène des gens avec qui je m’entends bien, j’essaie de donner la connaissance aux gens pour qu’eux-mêmes transmettent ». Quentin est devenu « initiateur terrain montagne » à l’issue de la 1e année : « l’avantage, je suis fier de partir en montagne et de savoir faire les manips et d’être de plus en plus autonome ».
Sa façon de préparer une sortie a évolué, il est plus efficace, peut discerner ce qui peut avoir un intérêt ou non dans les topos : « Préparer une course maintenant, je ne suis pas le meilleur en préparation de course, mais je sais préparer une course et j’essaye de mener ma course à bien. Et entre guillemets, on nous apprend à être dans la peau d’un guide - parce que, si moi maintenant, j’emmène du monde sur une arête, ça va être (…) moi le guide même si je ne suis pas guide ; mais c’est moi la personne la plus qualifiée, c’est moi qui dois préparer la course. »
Et après…
Le Pôle Espoir, Quentin le fait « pour (lui), pour (se) former ; pour (se) faire plaisir en allant en montagne mais après pour emmener des personnes, les former… » – une formation permettant donc de faire découvrir ensuite la montagne et l’alpinisme à d’autres, de leur transmettre sa passion, de les former…
Après ces deux années au Pôle Espoir, Quentin n’a pas de projet défini : il a déjà envie de postuler de nouveau pour deux ans, et si jamais sa candidature n’est pas retenue car il y a beaucoup de « nouvelles recrues », il pourrait se proposer pour aider à les encadrer lors des sorties. Il pourrait être tenté par le groupe Excellence ce qui donnerait encore une autre dimension à sa formation même s’il pense ne pas avoir le niveau requis pour rentrer dans ce pôle excellence…
Et dans tous les cas, il continuera à préparer ses propres sorties, ses « expés », ses sommets, ses ascensions…
Conseils pour rentrer au pôle espoir
Les trois conseils essentiels que Quentin prodiguerait à un jeune souhaitant intégrer le Pôle Espoir :
- Même si ce n’est pas un prérequis, il semble préférable qu’un jeune grimpeur aille déjà voir en montagne ce que c’est avant de postuler – le camp de base à Pralognan cet été pourrait être l’occasion rêvée
- Travailler sa condition physique, son niveau de grimpe
- Montrer sa motivation et sa détermination : « La motivation fait qu’on peut réussir des choses extraordinaires ! » Quentin cite Xavier Dolan : « je pense que tout est possible à qui ose, rêve, travaille et n’abandonne jamais ». Il poursuit : « s’il rêve, s’il rêve de ça, comme j’ai rêvé de la montagne, et bien il peut y arriver ; s’il ose faire sa candidature et bien il l’aura, et s’il travaille pour avoir un niveau pour rentrer là-dedans, il pourra ; et s’il n’abandonne pas, l’esprit un peu mental dedans, et bien il se fera plaisir au pôle espoir ! »
A suivre… (3e épisode le 24 mars)
PS: Sur le site du Comité régional FFCAM Normandie vous trouverez:une page dédiée au Pôle Espoir dénommé "Groupe Espoir"et dans la rubrique "photos et vidéos" diverses vidéos de promotions précédentes:
[1] UFCA : Unité de Formation Commune aux Activités – tout initiateur FFCAM, quel que soit le domaine, doit valider cette unité de formation.
[2] Certains peuvent candidater pour une seconde période de 2 années – ceux-là sont bien sûr plus autonomes et être capables d’être d’emblée d’emmener d’autres personnes